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mardi 10 septembre 2013

La boxe en France : un sport KO, toujours debout Vidéo avec SAID SKOUMA +reportage

La boxe anglaise souffre depuis une quinzaine d’années d’un manque de visibilité criant en France. Depuis le désengagement des grandes chaînes, Canal + en tête, le noble art peine à retrouver son lustre d’antan et reste miné par les problèmes d’organisation et de moyens. Au tapis, la boxe reste pourtant un sport respecté, « une école de la vie » qui, si elle ne fait plus rêver aujourd’hui, reste une discipline qui suscite des vocations et que beaucoup veulent sauver. Plongée au cœur d’un monde en déliquescence, à la rencontre de ceux qui font la boxe en France, et qui ne sont jamais à court de phrases coup de poings et d’uppercuts bien placés.

 « Avant d’y pénétrer pour la première fois, tu l’imagines, mais tu ne sais pas ce que c’est un ring. Tu ne sais pas ce que ça fait de prendre des coups. Tu sens ton cœur battre, pam-pam, pam-pam ; l’adrénaline qui parcourt tes veines, l’ambiance qui monte, les regards qui te scrutent et te jaugent. Tu es un volcan prêt à exploser. Aller sur le ring, en somme, c’est comme aller sur Mars ». Saïd ‘Freddy’ Skouma est depuis longtemps rangé, mais il n’a rien oublié. « Gauche gauche droite, c’est comme une musique » mime-t-il en balançant sèchement ses gros poings dans le vide, « et si le mec il me fait vraiment chier je lui balance un uppercut au foie ».
Saïd Skouma
L’ancien champion de France et d’Europe a un peu grossi depuis sa défaite au championnat du monde le 27 mars 1987 à Cannes face à Buster Drayton; il n’en reste pas moins que le puncher originaire de Casablanca a encore quelques bons crochets à distribuer. « Il faut dire la vérité, la boxe aujourd’hui est au ras des pâquerettes. A l’époque on était sincères, vrais, presque naïfs, on nous filait des combats durs; maintenant ce sport s’est vautré dans le mensonge. »

Perte de valeurs

Dans l’intimité feutrée d’un café de la capitale, où il a ses habitudes, l’ancien super-welter, reconverti en écrivain, se montre sans concessions : « C’est un sport qui va mal, qui est très mal organisé aujourd’hui en France, mais les gens en place ne veulent pas qu’on en parle ». Remonté, l’homme à la carrure imposante regrette la disparition des valeurs qui faisaient le charme du noble art : « Avant chaque écurie avait son style, maintenant la boxe c’est seulement du business. Chaque groupe en possession d’une ceinture essaie de la rentabiliser à fond, il y a un côté carriériste qui n’existait pas avant; les meilleurs s’esquivent pour éviter les défaites, afin de ne pas perdre en valeur, comme s’ils étaient des bagnoles cotées à l’argus ». Et Saïd de brosser le portrait, le regard ferme et concentré, d’une discipline gangrenée depuis trop longtemps par « l’hypocrisie », et qui a soudainement perdu son attrait. « C’est fini, il n’y a plus de rêve, pas la même aura ni la même authenticité. En activité, il y a vraiment très peu de boxeurs français qui me plaisent. D’après ce que je vois, il y a que dalle en relève ».

Véronique de Launay (ancienne boxeuse loisir) « Je pense que beaucoup de filles viennent aujourd’hui à la boxe pour être plus armées et plus vigilantes. »

Raconte-nous ton histoire avec la boxe.
La boxe, j’ai commencé à en faire quand j’avais 30 ans, et je me suis entraînée pendant cinq années. J’allais dans un petit club bénévole de Menilmontant, qui n’existe plus maintenant. Nous étions les deux seules femmes sur près de 20 élèves mais ça ne me posait pas problème. J’ai toujours fait du sport de manière générale mais à un moment j’ai cherché quelque chose de plus tonique. J’avais une violence qu’il fallait canaliser. Cela a bien marché même si j’avais tellement la pêche en sortant des cours que parfois j’avais envie d’expérimenter (rires). C’est vrai qu’en réalité il m’est arrivé de grosses embrouilles et je voulais trouver un sport qui me permettait de me défendre, de me donner des armes quand je me faisais brancher dans la rue. Je pense que beaucoup de filles viennent aujourd’hui à la boxe pour être plus armées et plus vigilantes. Selon moi, les boxeuses ont un rapport particulier au danger ; la boxe est un moyen de se protéger, de se défendre et d’être finalement plus sûre de soi.
Qu’est-ce qui t’a plu dans la boxe ?
Déjà j’ai beaucoup aimé car cela a augmenté ma confiance en moi. Et puis, de manière générale, on se sent bien physiquement en pratiquant la boxe; pour la posture par exemple c’est génial. Et puis j’aime le contact, la relation avec l’adversaire, on est en connexion avec l’autre. Enfin, il y a un côté esthétique indéniable. J’aime la souplesse et l’agilité que ça apporte, quelque fois, un bon match de boxe peut ressembler à de la danse.
Comment appréhendes-tu les réserves de ceux qui disent que la boxe n’est pas compatible avec la féminité ?
Très franchement, je ne vois pas pourquoi ça serait moins pour les femmes que pour les hommes. Ok, on encaisse des coups donc parfois ça peut être dangereux. J’ai une copine qui faisait du karaté et qui a arrêté une fois devenue mère, donc je comprends dans ces moments que ce soit incompatible, mais sinon je ne vois pas. Personnellement, j’ai arrêté car mon club a fermé. Je n’ai pas eu envie d’aller dans un autre club donc j’ai tout simplement décidé de changer de sport, aujourd’hui je fais de l’aïkido. Et puis c’est vrai que l’âge a joué. Néanmoins, je trouve que la boxe n’est pas spécifiquement différente, c’est la même chose pour les hommes ou pour les femmes. D’accord, c’est sûr que c’est un peu moins bourrin chez les femmes, on vise sans doute moins le KO, mais c’est tout autant stratégique. Et j’adorais ce côté-là.
Un jugement partagé dans ses grandes largeurs par Jean-Marc Linguet, un ancien professionnel qui a tiré sa révérence en 2001 au terme d’un parcours « infernal » : 17 victoires, 18 défaites et deux matches nuls. « Aujourd’hui c’est plus facile par rapport à avant car il y a beaucoup de combats arrangés. On choisit l’adversaire en fonction du palmarès. Nous, on boxait tout le monde, on s’affrontait, on se mentait pas » explique ce boxeur atypique qui a fait une grande partie de sa carrière à l’étranger, dont quelques expéditions mémorables en Tchétchénie, où il a vu de près la face cachée du noble art. « J’allais au charbon. Je suis arrivé là-bas et un mec est venu me voir en me disant : ‘ Si tu gagnes le combat tu prends deux balles ’. C’est honteux de dire ça mais j’ai mis un genou à terre et abandonné au 4e round ». Jean-Marc a cependant ramené de ses voyages la conviction que « les étrangers en veulent plus que nous. Ils ont moins de moyens mais ils pensent qu’à mettre KO l’adversaire pour se sortir de la misère. Il n’y a qu’à voir les Mexicains ou les Cubains »Jean-Marc se retourne : «  Pas vrai le vieux ? »
Le « vieux », c’est Gaëtan Micallef, 84 ans, l’un des entraîneurs les plus respectés de France. Il officie depuis « plus de cinquante ans » dans le club du Red Star olympique Audonien, la fabrique à champions de Saint-Ouen. Aux murs décrépis de la salle sont affichés les portraits des prestigieux boxeurs qu’il a façonné. « Ah, Fabio Bettini, lui c’était un artiste » soupire-t-il en présentant la photo de son ancien élève, auteur de deux matchs nuls contre le légendaire Sugar Ray Robinson, avant de se tourner, le sourire aux lèvres, vers celle de Jo Gonzalez, médaillé d’argent en 1964 à Tokyo : « Lui, vraiment, il frappait comme un sourd ».
Assez fier, monsieur Micallef confie « Nous étions le club numéro 1 en Europe dans les années 80, il y avait alors près de 80 boxeurs pros venant de tous les horizons ». Aujourd’hui, si les trophées garnissent encore des étagères bien fournies, les boxeurs de valeur se font plus rares. Le club compte huit pros, dont « 5 ou 6 de valeur nationale ». Même s’il croit fermement à ses « petits gitans », qu’il entraîne avec bienveillance, il confirme dépité le déclin de la boxe dans l’Hexagone : « La relève est moyenne. Des fois la salle est pleine mais la moitié on le sait ne seront jamais des boxeurs, alors qu’avant on faisait que de la compétition. »

Magouilles et corruption

Lucide, l’homme égrène les problèmes qui affaiblissent le noble art depuis quinze ans: rareté des combats, magouilles en tout genre, disparition des sponsors. « La fédération, je vais voir ce que ça va donner avec le nouveau président (ndlr: André Martin) et Brahim Asloum (vice-président délégué). C’est clair qu’on a besoin d’eux pour pouvoir tout réorganiser à nouveau » commente-t-il sans y croire vraiment. Il faut dire que la fédération a été au cœur de nombreux scandales récemment.
En octobre 2012, un reportage de France 2 tourné en caméra cachée par Arnaud Romera a mis en lumière les pratiques obscures des instances dirigeantes internationales. On y entendait notamment le président sortant de la fédération française de boxe Humbert Furgoni avouer, en réaction au cas d’Alexis Vastine, le boxeur volé deux fois de suite aux JO, que « la France n’a pas eu de médaille olympique, car elle n’est pas assez riche pour avoir une influence internationale importante. »
Cette corruption ne s’affiche pas uniquement au haut niveau. Elle devient seulement plus « mesquine » lorsqu’on descend les échelons. Il y a bien entendu la sacro-sainte règle de l’avantage à domicile, selon laquelle le boxeur visiteur est systématiquement défavorisé en cas de jugement litigieux par rapport au boxeur du club qui organise. Monsieur Micallef connaît bien « ces coins où on gagne jamais. Là récemment un club pas très réglo sur le sujet m’a demandé un boxeur et j’ai refusé ». Comble de l’éthique sportive, le mal touche même les minimes. Jephté Falck a 13 ans et s’entraîne trois fois par semaine au club. Le jeune garçon aux biceps impressionnants aurait été lui aussi « volé » en finale des interrégions contre un boxeur du Nord-Pas-de-Calais. 
« Il a fait un super match mais a perdu d’un demi point » explique Warren, 34 ans, son père et son entraîneur : « Il y avait trois juges, deux nous ont donné gagnant. Le troisième, originaire de la région, nous a mis un score tellement défavorable que l’on a perdu à la moyenne des notes ». Un coup dur cependant vite relativisé par l’intéressé, avec un désenchantement désarmant : « J’étais un peu déçu forcément puisque je m’entraîne dur trois fois par semaine pour gagner. Mais j’ai l’habitude. Sur ma licence j’ai moitié victoire moitié défaite mais la moitié de mes défaites sont bidons ». Jephté reste motivé et espère l’année prochaine intégrer l’équipe de France. « Les défaites comme ça ne me découragent pas. Cela me donne juste envie de travailler dur pour progresser et gagner sans décision afin que ce genre d’histoires ne m’arrivent plus ».

Rareté des combats

« C’est la boxe » philosophe Gaétan Micaleff en regardant Jephté s’éloigner, « ça a toujours été comme ça, le petit n’est ni le premier ni le dernier ». En réalité, davantage que ces problèmes d’éthique, le véritable défi aujourd’hui reste l’organisation de combats « en temps de crise ». Gérard Teysseron est promoteur, organisateur professionnel et membre du comité directeur de la fédération française de boxe. Très respecté dans l’Hexagone, où il est unanimement reconnu comme quelqu’un de fiable, il explique qu’il est devenu « très compliqué d’organiser les galas aujourd’hui » faute de moyens. « Le problème principal c’est qu’on a plus Canal + ou TF1. Sans les droits télés, la possibilité de faire des gros événements qui attirent le public est quasi-nulle ». D’autant que la France est désavantagée vis-à-vis de certains pays. « La fédération en Italie, elle donne 25 000 euros pour organiser un championnat d’Europe, c’est énorme, alors qu’en France si tu veux faire la même chose tu payes des taxes, on te prend près de 5000 euros… et je parle même pas de l’Allemagne » plaide-t-il dans un rictus. Selon cet observateur avisé, la nouvelle génération française, portée par « le petit Jérémy Beccu » est toute aussi bonne que celles d’avant, seulement moins médiatisée. « On ne va pas se mentir, on n’a pas de Zidane (sic) mais on a de très bons boxeurs sur le plan européen. Le problème c’est qu’on ne peut pas les mettre en lumière ».
Jephté, " le playboy de la salle ", et son père Warren, " le roi des Gitans "
Un manque de visibilité qui n’est pas sans fondements. Le journaliste Jean-Charles Barès tient le blog « le Ring et la Plume » du site l’Équipe. Il explique sans ambages les raisons de ce désamour : « C’est avant tout un problème de visibilité sportive. A la grande époque il y avait huit catégories et un seul titre de champion. Aujourd’hui il existe 17 catégories de poids et quatre titres (WBC, WBA, WBO, IBF) pour chacune d’entre elles, ce qui fait presque 60 champions du monde. C’est ridicule ». La boxe paye ainsi selon lui le prix de ses erreurs et des dérives des fédérations : « Ils ont vendu de la merde au public, des combats bidons, avec des faire-valoirs étrangers, Slovènes ou Hongrois, qui s’entassaient à cinq dans des voitures pour venir ». Depuis « la cassure » Canal +, qui maintenait « la boxe en vie artificiellement », des chaînes comme Kombat Sports ou MCS ont bien vu le jour, mais elles se révèlent encore insuffisante pour recréer l’engouement.
Pire, la boxe anglaise se voit désormais concurrencée par de nouveaux sports de combats, au passé moins glorieux mais au présent plus dynamique. « MMA, Free fight, Muay Thaï », autant de disciplines qui se portent bien selon Manu Dolzanelli, l’entraîneur d’Avia club boxe, la salle emblématique d’Issy-les-Moulineaux fondée en 1943. Entre deux cours pour débutants, il entraîne Youcef Raab, un poids moyen aux débuts mitigés (1 victoire 2 défaites), tête d’affiche de la dizaine de compétiteurs qui viennent à la salle. « Nous à Issy il y a 15 ans on avait beaucoup de pros maintenant 90% des gens que tu voient là viennent pour le plaisir. En somme la boxe loisir se porte à merveille, c’est seulement la boxe de compétition qui est en perdition. Enfin bon cela nous permet d’avoir des adhérents ». Une manne qui lui permet encore de mettre sur pied « une ou deux réunions dans l’année, mais ce n’est pas assez ».
 « On dit qu’il n’y a pas de relève mais c’est aussi parce qu’il n’y a pas assez de réunions pour faire progresser nos boxeurs. C’est le serpent qui se mort la queue ». Et de poursuivre: « les boxeurs lambdas comme Youcef ont aucune certitude; Il y a vingt ans il y avait des compétitions chaque week-end mais maintenant comment tu veux faire rêver un jeune avec la boxe aujourd’hui? Surtout vu l’investissement que ça demande ». Le principal intéressé, qui vient s’entraîner trois heures par jour malgré son métier de commercial dans une boîte pharmaceutique, confirme « Moi je fais maximum trois combats par an; je suis payé entre 400 et 500 euros. C’est de l’argent de poche. Mais bon ça reste une passion ». Récemment, la fédération a bien mis sur pied le critérium de boxe professionnelle, qui se voudrait une ligue où se rencontrent tous les boxeurs. « C’est beau sur le papier, mais en réalité c’est zéro, personne n’organise ».
En dépit de ses difficultés actuelles, et de l’avis de tous, la boxe a encore un avenir.« Sport de voyous pratiqué par des gentlemen »« noble art »« école de la vie », elle conserve une aura flétrie mais  bien réelle. « Si demain tu crées un événement sur TF1 à 22h30, t’u n’as pas à t’inquiéter pour les sponsors » estime Manu Dolzanelli. Pour Said Skouma, le renouveau passe par la découverte d’un véritable champion, qui saurait galvaniser les foules et les médias : « il faudrait un pur boxeur, un vrai, avec une histoire. Il faut repartir de zéro et offrir à nouveau de beaux combats, comme seul notre sport sait le faire ». En attendant de trouver le successeur de Fabrice Tiozzo, la France et ses 383 boxeurs pros est sonnée mais pas encore KO.
par Christophe Gleizes 
Source: Ragemag

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