Dr. Ironfist contre Victor Ianoukovitch. Il ne s'agit pas de l'affiche d'un combat de catch, ni du titre du prochain James Bond, mais du probable duel qui désignera le prochain président de la République d'Ukraine. Vitali Klitschko, champion du monde de boxe (WBC) et leader de l'opposition ukrainienne, a annoncé jeudi 24 octobre lors d'une séance à la Verkhovna Rada (le Parlement ukrainien) qu'il sera candidat à l'élection présidentielle de mars 2015.
Officialisée près d'un an et demi avant le scrutin, la candidature de Vitali Klitschko, 42 ans, n'est pas une surprise. En août dernier, il avait déjà plaidé pour que l'opposition s'accorde à présenter "un candidat unique", indiquant envisager "de manière responsable" l'éventualité d'être ce candidat.
Regardez Vitali Klitschko se déclarer candidat (en version original) :
Largement anticipée, la candidature du boxeur a cependant été précipitée par l'adoption ce jeudi d'une loi que son camp considère comme une provocation. Ce texte a été élaboré dans le cadre de la réforme du code des impôts que l'Union européenne a exigé de l'Ukraine pour conclure l'accord d'association qui doit être signé à Vilnius (Lituanie) le 29 novembre prochain.
L'amendement dénoncé par le camp Klitschko prévoit que si une personne a un droit de résidence permanente dans un pays étranger, elle est considérée comme ne vivant pas en Ukraine. Or, la législation ukrainienne prévoit que les candidats à la présidentielle doivent habités en Ukraine dans les dix ans précédant l'élection. Vitali Klitschko, qui a un permis de séjour en Allemagne et y paie ses impôts, pourrait ainsi l'empêcher de briguer la présidence. "Vous ne réussirez pas à m'intimider, ni à m'arrêter", a dit le boxeur jeudi devant les députés qui venaient d'adopter la loi.
La candidature d'un boxeur plusieurs fois champion du monde face à l'autoritaire et critiquée président sortant... un remake de Rocky Balboa contre Ivan Drago qui a tout pour séduire les médias européens.
En boxe, l'équivalent de Mohamed Ali
"En sport, les règles sont clairement édictées, expliquait le boxeur au Monde en juin dernier lors d'un passage à Paris. Leur violation provoque la disqualification. La politique ukrainienne, elle, ressemble à une bagarre sans règles."
Né au Kirghizstan, une ex-république soviétique où son père militaire était en poste à l'époque, Vitali Klitschko a aussi vécu en République tchèque dans les années 1980 avant de revenir en Ukraine avec sa famille. Mais c'est à Londres qu'il remportera son premier titre, en 1999 face au boxeur britannique Herbie Hide.
Regardez des images du combat :
Trois fois champion du monde des poids lourds, la catégorie reine de son sport, Vitali Klitschko a un palmarès aussi impressionnant que celui de son frère Vladimir, également champion du monde. 2,02 m pour 112 kilos, 45 victoires dont 41 par KO et seulement deux défaites, une boxe directe et efficace... le champion ukrainien tient la comparaison avec les plus grandes légendes de la boxe, note FTVI, parmi lesquelles les Américains Mohamed Ali et Evander Holyfield.
Après plusieurs blessures qui le tiennent éloigner des rings durant quatre ans, le colosse a récupéré sa ceinture de champion du monde WBC en 2008. Un titre qu'il a défendu à neuf reprises depuis, battant notamment le britannique Dereck Chisora à Munich en février 2012. En août dernier, il a toutefois dû renoncer à un combat face au Canadien Bermane Stiverne en raison d'une blessure à la main.
S'il n'organise pas rapidement une nouvelle rencontre, l'Ukrainien pourrait être déchu de son titre en 2014.
Klitschko face à Lewis en 2003, un tournant dans sa carrière :
En boxe, l'équivalent de François Bayrou
"Klitschko a de bonnes chances de gagner. Selon les derniers sondages il serait deuxième après Ianoukovitch au premier tour mais il le battrait au second", a déclaré à l'AFP le politologue ukrainien indépendant Volodymyr Fessenko. Selon lui, "on n'aurait pas vu tout ce jeu politique (au Parlement) si Klitschko n'avait pas été un concurrent sérieux de Ianoukovitch". "Aujourd'hui c'est sans aucun doute l'un des favoris", conclut l'expert.
Au coude à coude avec le président sortant dans les sondages, le boxeur avait déjà créé la surprise en octobre 2012 quand son parti Udar (Alliance démocratique ukrainienne pour la réforme), dont l'acronyme signifie "coup de poing", s'est placé en troisième position des élections législatives, remportant 13,95% des suffrages.
Pourfendeur de la corruption, partisan d'un libéralisme mesuré et pro-européen notoire, Vitali Klitschko doit encore définir son programme, pour le moment réduit à une opposition méthodique et à quelques déclarations d'intention. Candidat malheureux à la mairie de Kiev en 2006, le boxeur a toutefois plusieurs atouts à faire valoir.
Il est nouveau en politique. Ce qui sonne comme un défaut en France -où chaque novice se verra taxer d'incompétence- a de quoi séduire en Ukraine, un pays où affaires et politique ne font qu'un et où la plupart des élus ont une casserole à traîner. "La politique ukrainienne a besoin de quelqu'un de neuf, venu de l'extérieur, qui ne connaisse pas les règles et donc ne les respecte pas", disait Vitali Klitschko en 2012, citépar le JDD.
Avec un magot estimée à 50 millions d'euros, le boxeur est un cas à part en Ukraine: il n'a pas fait fortune grâce au gaz. De quoi attirer sur son nom les voix de millions d'électeurs excédés par les scandales et les affrontements.
Enfin, Vitali Klitschko, demande avec insistance la libération de la toujours très populaire Ioulia Timochenko, emprisonnée pour abus de pouvoir et visée par d'autres procédures judiciaires. L'ancien boxeur, néanmoins rival de l'ancienne Premier ministre pour le leadership moral de l'opposition ukrainienne pourrait ainsi profiter des déboires judiciaires de l'ancienne égérie de la révolution orange, devenant la seule figure capable de battre Viktor Ianoukovitch en 2015.
Élu président en 2010, le président ukrainien a quant à lui fait savoir qu'il annoncerait l'an prochain ses intentions pour la présidentielle, mais sa participation ne fait guère de doute.
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