Bouttier : « Mon père parlait de Bobet, pas de boxe »
Jean-Claude Bouttier fête aujourd'hui ses 66 ans. Au début des années 70, il faillit devenir le n°1 mondial. : Jean-François Quinebêche
Opposé dans les années 70 à Carlos Monzon, Jean-Claude Bouttier, le ptit gars de Saint-Pierre-la-Cour, est la référence boxe en France.
13 octobre 1944 : naissance à Saint-Pierre-la-Cour.
1971 : champion de France, puis d'Europe, des poids moyens.
1972 : s'incline devant l'Argentin Carlos Monzon pour le titre mondial.
Comment êtes-vous devenu un grand champion ?
Oh, cela s'est joué à pas-grand-chose, à un concours de circonstances. Un jour, alors que j'étais en pension à Vitré, j'ai vu une annonce dans le journal pour un poste d'apprenti-boucher nourri, logé et blanchi, à Laval. Je me suis ainsi retrouvé chez Sylvain Rayon. J'étais âgé de 14 ans, je jouais au foot le week-end à Vitré, et en semaine, je traînais un peu le soir. Mon patron, qui était aussi vice-président du Stade lavallois boxe, m'a conseillé d'aller faire de la gym, pour entretenir ma forme. Or boxeurs et gymnastes s'entraînaient dans la même salle, séparés par un rideau. J'étais curieux, j'ai regardé et l'entraîneur, Yves Lebreton, m'a proposé de monter sur le ring. J'ai disputé mon premier combat amateur à 16 ans, et ça s'est bien passé...
Du débutant au vice-champion du monde, il y a un monde, justement...
Pour moi, les choses sont allées lentement. Je pratiquais la boxe juste pour le plaisir. A 18 ans, je suis monté à Paris, mon CAP de boucher en poche, pour bosser. Encore un coup de chance, mon nouveau patron m'a encouragé à continuer à boxer et m'a fait rencontrer un entraîneur renommé, Jean Bretonnel. Je me suis retrouvé d'un coup sur le même ring que des professionnels. Je combattais entre Laval et Paris. Je me levais à l'époque à 4 h du matin pour pouvoir travailler et boxer. Puis j'ai changé plusieurs fois de métier (magasinier, chauffeur-livreur, agent commercial) pour dégager un peu plus de temps. A partir de 1967, je n'ai plus fait que de la boxe.
Quels sont vos plus grands souvenirs ?
Mon premier titre, celui de champion de France des poids moyens, en 1971. Inespéré. Ce que je retiendrai, aussi, ce sont tous les pays où j'ai posé ma valise. J'allais m'entraîner un peu partout, en Italie, au Danemark, aux Etats-Unis. J'ai boxé à Miami, à Los Angeles, au Madison Square Garden de New York. J'étais le petit gars de Saint-Pierre-la-Cour qui débarque avec sa valise... Un truc incroyable, aussi, c'était les cars et les trains de supporteurs qui montaient de Saint-Pierre-la-Cour et de Laval pour venir m'encourager à Paris.
Votre regard sur la boxe d'aujourd'hui...
Elle a bien évolué, et heureusement. Comme sur 100 m, où les athlètes vont de plus en plus vite, les boxeurs sont de plus en plus performants. Le côté négatif, c'est l'éparpillement des catégories. Il en existe 68 aujourd'hui. A mon époque, il n'y avait que huit champions du monde et moi, je pouvais dire que j'étais le 2e au monde des poids moyens. C'est comme ça. Les boxeurs n'y sont pour rien, et les meilleurs sont toujours les meilleurs. Mais la discipline perd en lisibilité et malheureusement aussi en intérêt.
En Mayenne, il existe une belle tradition boxe. Vous pensez y être pour quelque chose ?
Oh non. Je n'y suis pour rien. Il faut féliciter l'encadrement. Les jeunes boxeurs sont très bien formés. Il y a aussi sans doute un effet de modèles. Quand j'ai débuté, à Laval, il y avait trois professionnels de la boxe : Michel Trou, Michel Lenain et Marcel Pinault. Après moi, il y a notamment eu Bernard Chaumond et maintenant Stan Salmon, un très beau champion, intelligent, qui travaille et continue de progresser. C'est sûr, les gens parlent des anciens champions et ça donne envie. Mais moi, mon père, il ne me parlait jamais de boxeur, mais de Louison Bobet...
Arnaud BODIN.
Recueilli par
Ouest-France
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