RDS.CA, FRANCIS PAQUIN
Après 12 combats professionnels, la quasi-totalité des boxeurs professionnels est encore à parfaire son apprentissage et les titres mineurs sont loin d’être dans leur ligne de mire.
Ces boxeurs ont généralement vu bien peu de choses et c’est pourquoi l’ascension vertigineuse d’Eleider Alvarez chez les poids mi-lourds est si intrigante. Elle ne l’est toutefois pas pour ceux qui le côtoient au quotidien et qui connaissent son potentiel depuis longtemps.
« Il y a énormément de facteurs qui entrent en ligne de compte, mais le niveau de compétition qu’il a eu chez les amateurs y est pour beaucoup », a expliqué son entraîneur Marc Ramsay au cours d’un entretien téléphonique avec le RDS.ca « Eleider y a disputé plus de 200 combats et même si ce n’est pas tout à fait le même sport, il a gagné énormément d’expérience. »
« C’est très difficile d’être sur le réseau international amateur. Lorsqu’un boxeur s’en va dans un tournoi, il ne choisit jamais avec qui il boxe. Il peut affronter le champion russe, kazakh, cubain ou américain. Un gaucher, un droitier, un gars fort. Eleider a eu le temps de faire amplement le tour du jardin, tant chez les juniors qu’avec des hommes chez les seniors. »
Ses participations aux Championnats du monde, Jeux olympiques et autres compétitions d’envergure lui ont permis d’affronter bon nombre de boxeurs aujourd’hui connus. Alvarez avait notamment surpris le Cubain Julio César la Cruz en finale des Jeux panaméricains en 2007 avant que ce dernier ne devienne ensuite champion du monde en 2011. C’est ce qui explique sa progression rapide chez les pros et le fait que son style était à la base taillé sur mesure.
« Eleider a un style classique et il est en plus un bon cogneur, ça aide beaucoup », reconnaît Ramsay. « Il y a ainsi beaucoup de choses qui étaient déjà couvertes et c’est pourquoi il pouvait se permettre de ne pas perdre son temps avec 10 ou 15 combats en attendant qu’il atteigne sa pleine maturité. »
« À l’âge de 28 ans, Eleider est déjà au sommet de sa carrière. D’ici les 5 prochaines années, c’est vraiment là que ça va se passer. Oui, ça va peut-être vite, mais c’est fait de manière sûre. »
Les exploits d’Alvarez font ─ dans une certaine mesure ─ penser à ceux du Camerounais Herman Ngoudjo. L’ancien olympien avait mis la main sur sa première ceinture nord-américaine à son 9e duel avant d’obtenir son premier combat de championnat à son 18e environ 3 ans plus tard.
« Herman avait monté de niveau assez rapidement, mais avait bloqué par la suite devant l’élite mondiale », s’est rappelé Ramsay. « C’est une erreur qu’il ne faudra pas répéter avec Eleider. »
« Il faut s’assurer qu’il sera vraiment prêt lorsqu’il se battra contre l’élite de sa division. Il faut absolument qu’il apprenne quelque chose dans chacun de ses combats. Mais encore là, cette démarche ne doit pas se faire trop rapidement. »
Puisque l’entraîneur porte également le chapeau de matchmaker, il est donc bien placé pour savoir où son boxeur en est exactement rendu et surtout le préparer à toute éventualité. Il ne peut donc pas y avoir meilleure symbiose entre les enseignements et le choix des adversaires.
« Il faut être attentif, et puisque je passe tous les jours dans le gymnase avec lui, je vois la progression », précise Ramsay. « Je peux lui faire passer certains tests à l’entraînement avant de préparer la prochaine étape. »
« Si j’avais des doutes par rapport à certains aspects de la boxe d’Eleider et que j’allais le placer dans des situations problématiques dans un combat, ce serait carrément jouer avec le jeu. »
Au-delà des habiletés d’Alvarez, c’est surtout sa capacité à élever son jeu d’un cran lorsque la situation l’exige qui est louangée depuis longtemps. Il l’a encore prouvé pas plus tard que vendredi soir dernier en obligeant l’arbitre à mettre fin à son combat contre Nicholson Poulard après avoir envoyé ce dernier au plancher à l’aide d’un puissant direct de la main droite.
« Tout le monde parle de la force, de la vitesse et de l’intelligence, mais (la capacité à lever son jeu d’un cran), c’est un morceau du puzzle qui est vraiment important », analyse Ramsay. « C’est une chose commune à tous les champions et ceux qui réussissent à l’international. »
« Des fois je voyais des gars en sparring et je remarquais qu’ils étaient habiles, mais sans plus. C’était vraiment lors des grands événements qu’ils finissaient par se révéler. »
Évidemment, le travail ne fait que commencer pour Alvarez et Ramsay. Le prochain combat du Colombien est d’ailleurs prévu le 25 mai en demi-finale du mégagala qui mettra en vedette Lucian Bute et Jean Pascal... un autre élève de Ramsay.
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