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dimanche 2 février 2014

MYRIAM LAMARE La plus grande boxeuse française est aussi une femme libre

Lamare l'amazone

 Myriam Lamare compte arrêter sa carrière courant 2014, pour fonder une famille. - (Photo cor. NR, Guillaume Souvant)
Myriam, on a pu lire que vous aviez quitté l'école très jeune, à 17 ans…
« J'avais la responsabilité de ma famille, il a fallu travailler pour gagner un peu d'argent. Dans la restauration, notamment. Mais j'ai ressenti un manque de n'avoir pu étudier plus longtemps, et j'ai repris à l'âge de 24 ans. »
Votre grand parcours de boxeuse, quand a-t-il commencé ?
« Tout est parti de Martinique, où j'ai découvert la boxe française. Après six mois de formation accélérée auprès d'Hatman Miloudi, j'ai disputé un championnat de France féminin dans ma catégorie. »
C'est très rapide, on vous a tout de suite décelé des aptitudes ?
« Je suis née pour le sport. A 4 ans, j'ai eu ma première révélation à la piscine. J'ai trouvé ma voie très jeune, je voulais faire prof d'éducation physique. Et puis, à 8 ans, j'ai vu Carl Lewis à la télé, pour les JO J'ai dit à ma mère : " C'est ce que je veux faire ". »
Donc la boxe ne s'est pas imposée d'emblée…
« J'ai senti que j'avais des dispositions pour l'athlétisme. J'en ai fait à partir de 14 ans et j'enchaînais cinq entraînements par semaine. J'adorais ça, et j'étais très volontaire. Le principal travail des entraîneurs, c'était de me freiner ! »
Vous auriez aimé réussir dans ce sport ?
« Très vite, j'ai participé à une finale de championnat de France. C'était un tort, après coup. Je n'avais pas de repères, le trac était terrible. Le problème, c'est que je n'avais pas mes adversaires en face de moi, mais à côté de moi. Devant, c'était le vide… Mais l'athlé reste mon sport de cœur. »
Et qu'avez-vous trouvé dans la boxe, précisément ?
« J'ai coutume de dire que j'ai donné des coups pour ne pas en prendre. La boxe, c'est mon histoire… J'ai mis dix ans à le savoir, mais la boxe a été thérapeutique pour moi. Si je n'avais pas eu ce sport, j'aurais perdu en équilibre. Je n'ai jamais envisagé ma vie autrement qu'avec la boxe. »
Être une boxeuse, c'est perçu comment ?
« Quelque part, ceux qui font de la boxe, du free fight, et tous ces sports de combat, ce sont des héros des temps modernes. Ils sont autant appréciés que décriés, et surtout ils rappellent leurs limites à beaucoup de gens. Je repense à cette femme médecin se battant depuis des années pour plusieurs causes et qui m'avait dit : " La place d'une femme n'est pas sur un ring ". Et elle, elle ne l'était pas sur un ring vu son engagement ? »
Le plus dur des combats n'a-t-il pas été de mener de front vie de boxeuse et vie de femme ?
« Ma vie privée a été très compliquée, oui. J'étais sous le feu des médias, et il y avait tous ces déplacements. Je n'ai pas choisi les bonnes personnes pour m'entourer, mon énergie était aspirée. A 38 ans, je me suis retrouvée face à un mur. Sur le plan affectif, le plan amical et le plan professionnel, j'ai dû faire le ménage. Aujourd'hui je suis posée et sereine. Je n'ai plus de rats dans la tête… »
Qu'est-ce qui a servi de déclic ?
« Sans doute ma découverte du bouddhisme, avec la remise en question permanente et le fait de voir toujours le positif. Ma rencontre avec la Néerlandaise Lucia Rijker, la plus grande boxeuse de l'histoire, fut une révélation. Elle dégage une telle force intérieure… Elle m'a initiée au bouddhisme, au lâcher prise, à donner sans rien attendre en retour… »
Les mauvais jours sont derrière vous ?
« Il y a eu les deux défaites contre Mathis, le décès de ma mère… Ça m'a coûté cher. J'ai eu besoin d'aller voir ailleurs, personne ne pensait que j'allais revenir mais je suis là. »
Vous avez un rapport intime avec Marseille, une ville souvent montrée du doigt…
« Il ne faut pas faire attention à tout ce qui se dit sur Marseille. Quand j'entends certaines personnes dire qu'elles n'y vont pas parce que c'est dangereux, je saute au plafond. C'est du conditionnement… Marseille, c'est l'ouverture sur le monde, la liberté et le soleil. C'est un endroit merveilleux pour s'épanouir. Et c'est aussi une grande ville au potentiel immense, qui va connaître un développement considérable, vous verrez. Dans dix ans ce sera une métropole internationale incontournable. »
Par quoi passe l'avenir de la boxe ?
« Il faut faire davantage de détection, prendre en charge les jeunes boxeurs plus tôt. Il manque de formation, et de transmission. Et, malheureusement, trop de personnes vivent au crochet de la boxe. »
Dans un avenir proche, vous voudriez vous engager pour votre sport ?
« Si on me propose une mission intéressante, comme gérer une équipe de France féminine ou masculine, pourquoi pas. Je suis prête à m'engager pour de bons projets. »
En matière d'engagement et de projets, vous avez été élue sur une liste PS aux régionales de 2010. La politique vous attire toujours ?
« Déjà, il est important de dire que je suis une femme engagée mais libre de tout engagement. J'honore mon mandat tout en ne bénéficiant pas d'outils de travail et de moyens supplémentaires pour évoluer depuis trois ans en tant que boxeuse. Je constate aussi que la politique vit des heures difficiles à Marseille. Quelque part, de mon côté, je fais de la politique depuis vingt-cinq ans en tant qu'acteur local, et avec la discipline que je pratique. J'ai des convictions tirées de ce vécu, comme celle qu'il faut repenser à l'échelon local. »
parcours
> Myriam Lamare est née le 1er janvier 1975 à Saint-Denis.
> Elle a grandi à Aubervilliers, puis ce fut Paris avant d'aller trois années en Martinique, puis de revenir en métropole à Toulouse puis Marseille.
> Elle est actuellement classée 3e mondiale dans la catégorie light welterweight.
> Son bilan en pro est de
22 victoires (10 avant la limite) et 3 défaites.
> Lamare fut la première française pro et la première championne du monde de boxe anglaise.
> Son palmarès : chez les amateurs, 4 fois championne de France (1999 à 2003), 2 fois championne d'Europe (2001-2003) et 1 fois championne du monde (2002) ; chez les pros, ceinture mondiale WBA (2004-2006), ceinture mondiale WBF (2009-2011), et ceinture mondiale IBF (depuis 2011).
Entretien : Sylvain Taillandier

1 commentaire :

  1. Une grande championne et qui je pense aura la sagesse d'arrêter maintenant. Fonder une famille à 39 ans, il n'est pas trop tard mais il est temps. Je lui souhaite toute la réussite possible dans sa nouvelle vie après la boxe.

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