Le souvenir des pirouettes entre Pacquiao et Mayweather en atteste : la boxe, malade d’une pléthore de fédérations, est arrivée au point où les athlètes décident eux-même de leur destin. On en était resté là, sur le constat amer que si deux des meilleurs boxeurs de leur époque peuvent tranquillement s’éviter, ce sport court à sa perte. Il aura suffi d’un tweet de Floyd Mayweather pour effacer un peu cette rancœur. « J’ai choisi mon adversaire pour le 14 septembre et ce sera Canelo Alvarez. »
Face au combat qui s’annonce, la récente victoire de Mayweather contre Guerrero prend des allures de tour de chauffe. A 36 ans, l’américain vit ses dernières années de sportif et prend incontestablement des risques. Saul Alvarez est un des plus grands espoirs de la boxe mondiale et disposera d’un avantage physique conséquent le jour du combat.
En effet, Mayweather boxe habituellement chez les welters (147 livres) quand Alvarez siège à l’étage supérieur, en super-welters (154). Un accord a donc été négocié : le combat se disputera à un poids intermédiaire de 152 livres. La dernière fois que Floyd Mayweather a consenti pareil effort, face à Miguel en mai dernier, il avait paru moins vif, moins tranchant qu’à son habitude. Un des combats les plus difficiles de sa carrière.
5 livres, soit 2,2 kilos : cela peut paraître anodin mais à ce niveau, une prise de poids, même minime, peut être un handicap. Oscar De La Hoya, dont la carrière avait débutée en poids légers, n’était plus le même homme lorsqu’il s’est aventuré chez les moyens en 2004 (décision serrée contre Sturm, puis défaite par KO contre Hopkins). On peut monter de catégorie tant qu’on le souhaite, le punch ne s’achète pas à coups de boissons protéinés. Face à Canelo, Mayweather en est conscient : il sera au-dessus de son poids de forme.
Autre facteur à prendre en compte : la réhydratation. Entre la pesée et le moment du combat, Saul Alvarez récupère jusqu’à huit kilos, quand Mayweather dépasse rarement 2 kilos supplémentaires. Lors de son dernier combat contre Trout, le mexicain pesait 172 livres sur le ring, soit 78 kilos. Entre les deux boxeurs, il risque d’y avoir un gouffre physique.
Mais aussi alléchant qu’il soit, ce choc arrive trop tôt pour Alvarez. Quand il montera sur le ring, le mexicain aura tout juste 23 ans. Certes, il est chez les pros depuis l’adolescence (15 ans), comme c’est l’usage au Mexique où la boxe amateur, peu rémunératrice, n’est pas bien considérée. Il n’empêche, en huit ans de carrière, Alvarez a été incontestablement protégé.
A son palmarès, on trouve ça et là de vieux briscards sur le déclin (Baldomir, Mosley) et des seconds couteaux (Cintron, Gomez). Son dernier succès face à Austin Trout constitue la seule véritable épreuve à mettre à son crédit. Et même s’il a démontré qu’il était bien un boxeur de classe, et non un phénomène médiatique soigneusement monté, cela ne le prépare en rien à affronter un boxeur du calibre de Mayweather.
Pour l’américain, le risque est réel, mais il est calculé. Mayweather sait trop bien qu’une deuxième arlésienne ternirait à jamais son image sportive. Mieux vaut accepter l’évidence au plus vite, plutôt que de laisser Alvarez engranger l’expérience qui lui fait encore défaut.
L'équipe Jean-Charles Barès
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