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mardi 22 octobre 2013

Alexis Vastine : « La boxe, c'est comme dans les quartiers, les gros font leur magouille. »


Quatre ans après Pékin et une demi-finale perdue, où l’arbitrage avait fait débat, l’espoir de la boxe française voulait prendre sa revanche à Londres. Le 7 août 2012, Alexis Vastine monte sur le ring face à l’Ukrainien Taras Shelestyuk pour disputer un quart de finale. Et même s’il domine largement le combat, le boxeur perd sur décision arbitrale. « Deux fois, putain, deux fois !!! » s’écrie-t-il en quittant le ring, en pleurs. La boule au ventre, impossible de répondre aux journalistes, certain d’avoir été volé pour la seconde fois de sa carrière. Dégoût, dépression, hargne. Aujourd’hui, Alexis Vastine a pris du recul et insiste sur cette longue période de réflexion qui lui a permis de se reconstruire et de penser aux JO de 2016. Pour RAGEMAG, le boxeur, 26 ans, vide son sac, balance sur la Fédération française corrompue et raconte sa douleur, sa passion et sa rage d’aller toujours plus loin.

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© James Bort

Alors comme ça, vous voulez partir aux États-Unis ? 1

Pour l’instant, rien n’est fait. C’est vrai qu’il y a une franchise américaine qui était intéressée, mais je ne sais pas si ça va se faire. En tout cas, je n’écarte pas ce départ, notamment car il n’y a plus de franchise en France . Ce serait juste pour la compétition, et pour quelques stages sûrement.

7 août 2012. À Londres. Le jour où vous vous êtes fait voler, pour la seconde fois, aux JO. Vous avez vécu ça comme un « cauchemar »…

Oui, j’ai très mal vécu ça, j’ai mis du temps à m’en remettre. Je suis parti à Lyon, j’ai quitté l’INSEP, j’ai pris du recul et maintenant je me reconstruis petit à petit. En plus, il y avait déjà eu Pékin, même si j’en étais reparti avec une médaille 2 Là, je suis reparti sans rien. Après, j’ai été lâché par mes sponsors, il y a eu des répercussions commerciales. Le sport amateur ne vit que grâce à ses sponsors, heureusement que je suis militaire et que j’ai pu avoir des bourses…

C’est difficile, dans la boxe, mais aussi dans le sport en général, de prouver qu’un match, qu’un combat a été truqué. Vous êtes certain que vous vous êtes fait voler à Londres ?

Certain, sûr, à 100%, 200% même. Je ne suis pas ce genre de mec à dire « On m’a volé, c’est injuste, etc. ». Même après, je me suis posé la question, j’y ai réfléchi, je me disais que seul moi peut-être pensais ça. Mais même les gens qui n’y connaissent rien à la boxe, même les étrangers, ont vu que c’était du vol.

« Le reportage d’Arnaud Romera nous a ouvert les yeux à nous, les boxeurs, parce qu’en fait, on est que des pions. »

Après le combat, vous avez dit que ce n’était plus de la boxe, mais de la politique…

Exactement. J’avais des doutes après les JO, mais le reportage d’Arnaud Romera, sur France 2, quelques semaines après, a bien tout résumé. Je m’en doutais, et là tout est très bien expliqué. Ça nous a ouvert les yeux à nous, les boxeurs, parce qu’en fait, on est que des pions. 3

Après les Jeux, la Fédération française vous a soutenu ?

Non, elle ne m’a pas aidé. Il faut savoir que l’ex-président de la fédé [Humbert Furgoni, ndlr] était le vice-président de la Fédération internationale, l’AIBA, donc il avait quelque chose à voir là-dedans. 4 Je vais peut-être y aller un peu fort, mais en fait nous les boxeurs, on était des prostituées pour eux. « Vous pouvez les faire perdre », ils se disaient entre eux.

Donc pour vous, c’est la Fédération internationale qui était derrière tout ça ?

Oui c’est l’AIBA, et aussi le CIO, qui a son mot à dire. C’est comme dans les quartiers, les gros font leur magouille de leur côté car ça leur rapporte de l’argent. Je n’ai aucune preuve de ça, mais c’est quand même la première olympiade où il y a eu autant de réclamations de faites. 5

« Je vais peut-être y aller un peu fort, mais en fait nous les boxeurs, on était des prostituées pour eux. »

Revenons sur le comportement de la Fédération française après les JO…

La Fédération m’a complètement lâché. Après, j’ai demandé à l’ex-président des explications, pourquoi est-ce que je n’avais plus droit à des aides. Il m’a alors demandé de me mettre sur sa liste pour sa réélection à la tête de la Fédération, il m’a dit que c’était « juste pour remplir ». Moi, j’ai été trop naïf, j’ai accepté, car en échange il me rendait mon statut. En même temps, j’ai fait ça pour reprendre la boxe, c’était le seul moyen financièrement. Mais quand j’ai compris qu’il me manipulait, j’ai demandé à ce qu’il me retire de sa liste.

Maintenant, Brahim Asloum fait partie de la direction de la Fédération française. Il vous avait défendu l’année dernière. Pensez-vous que les choses se passeront mieux avec lui à la tête de la fédé’ ?

À titre personnel, Brahim Asloum et moi on est en procès. Il avait créé sa franchise mais il a mis la clé sous la porte et aujourd’hui il me doit de l’argent, il me doit un combat. Après, en ce qui concerne la Fédération, ça va toujours être compliqué car il faut marcher dans le sens de la Fédération internationale. C’est surtout l’ancien président qui a fait du mal, et je ne sais pas si c’est possible de tout rattraper maintenant. Je préfère que ce soit Asloum que Furgoni en tout cas, c’est sûr.

La boxe en France : un sport KO, toujours debout, extrait d’un reportage RAGEMAG.

« Avant d’y pénétrer pour la première fois, tu l’imagines, mais tu ne sais pas ce que c’est un ring. Tu ne sais pas ce que ça fait de prendre des coups. Tu sens ton cœur battre, pam-pam, pam-pam ; l’adrénaline qui parcourt tes veines, l’ambiance qui monte, les regards qui te scrutent et te jaugent. Tu es un volcan prêt à exploser. Aller sur le ring, en somme, c’est comme aller sur Mars ». Saïd ‘Freddy’ Skouma est depuis longtemps rangé, mais il n’a rien oublié. « Gauche gauche droite, c’est comme une musique » mime-t-il en balançant sèchement ses gros poings dans le vide, « et si le mec il me fait vraiment chier je lui balance un uppercut au foie ».
L’ancien champion de France et d’Europe a un peu grossi depuis sa défaite au championnat du monde le 27 mars 1987 à Cannes face à Buster Drayton ; il n’en reste pas moins que le puncher originaire de Casablanca a encore quelques bons crochets à distribuer. « Il faut dire la vérité, la boxe aujourd’hui est au ras des pâquerettes. À l’époque on était sincères, vrais, presque naïfs, on nous filait des combats durs ; maintenant ce sport s’est vautré dans le mensonge. »
Dans l’intimité feutrée d’un café de la capitale, où il a ses habitudes, l’ancien super-welter, reconverti en écrivain, se montre sans concessions : « C’est un sport qui va mal, qui est très mal organisé aujourd’hui en France, mais les gens en place ne veulent pas qu’on en parle ». Remonté, l’homme à la carrure imposante regrette la disparition des valeurs qui faisaient le charme du noble art : « Avant chaque écurie avait son style, maintenant la boxe c’est seulement du business. Chaque groupe en possession d’une ceinture essaie de la rentabiliser à fond, il y a un côté carriériste qui n’existait pas avant ; les meilleurs s’esquivent pour éviter les défaites, afin de ne pas perdre en valeur, comme s’ils étaient des bagnoles cotées à l’argus ». Et Saïd de brosser le portrait, le regard ferme et concentré, d’une discipline gangrenée depuis trop longtemps par «l’hypocrisie », et qui a soudainement perdu son attrait. « C’est fini, il n’y a plus de rêve, pas la même aura ni la même authenticité. En activité, il y a vraiment très peu de boxeurs français qui me plaisent. D’après ce que je vois, il y a que dalle en relève ».
Après Londres, vous avez fait une dépression, mais vous avez réussi à revenir, peu à peu. Comment avez-vous fait ?
J’ai été très bien entouré, par ma copine, ma famille, le monde du sport. Je viens d’une famille de boxeurs, donc elle a très bien compris pourquoi ça n’allait pas. J’ai fait tellement d’efforts, on se bat depuis tout petit… Mon père est mon entraîneur, sauf au niveau international où il ne peut pas. Mais au niveau national, c’est lui. Pour oublier tout ça, je suis parti de Paris, et là je reprends peu à peu. Maintenant, je me demande, pourquoi pas Rio ?
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© Kelebara pictures

Ah oui, vous y pensez, justement ?

Je ne me presse pas, je me laisse du temps encore. Le temps de reprendre goût à l’effort…

Votre dernier combat, c’était quand ?

Ouh la… En juin il me semble. J’ai pris du temps pour me poser, pour savoir ce qui était bon pour moi.

Aujourd’hui, vous faites toujours partie de l’Équipe de France ?

Oui, toujours. En juin prochain, je devrais combattre pour le championnat militaire. En janvier, je vais essayer de reprendre régulièrement les entraînements, deux par jour.

Il paraît que vous vouliez faire du journalisme aussi sinon ?

Oui, à l’INSEP il y avait une formation en presse écrite. Mais moi je suis plus tourné vers l’audiovisuel. Finalement, j’ai quitté l’INSEP, et là je fais du coaching sportif. J’ai fait du théâtre aussi cet été, une semaine…

Du théâtre ?

Ouais, ça me plaît bien le théâtre, j’avais envie d’essayer. C’était juste un stage, c’était vraiment sympa, j’aimerais bien en faire plus régulièrement mais je manque de temps.

On parlait de votre désir d’être journaliste, justement, comment voyez-vous le manque de médiatisation de votre sport ?

Quand Canal+ a arrêté de diffuser les combats, ça a fait du mal à la boxe. J’ai encore les souvenirs de quand mon père venait me réveiller en pleine nuit pour regarder les combats de Tyson. On voyait aussi des Français… Mais tout ça, c’est fini.
« J’ai encore les souvenirs de quand mon père venait me réveiller en pleine nuit pour regarder les combats de Tyson. »

Elle va bien la boxe en France ?

Non. De toute façon, la France n’est pas un pays de sport. Il suffit de regarder dans les autres pays pour s’en apercevoir… En Allemagne, les salles sont pleines. Mais le problème de la boxe en général, pas seulement en France, c’est qu’il n’y a pas assez de combats. Des mecs doivent attendre deux ans parfois pour s’affronter.

Les écoles de boxe attirent encore du monde ?

Oui, pas mal de monde. La boxe féminine prend de l’ampleur notamment. Beaucoup de gens aiment la boxe, mais pas forcément en compétition. Et puis, de là à en faire carrière…

Notes

  1. Dans son édition du vendredi 10 octobre, L’Équipe faisait état d’un possible départ d’Alexis Vastine vers les États-Unis pour « retrouver les WSB, compétition semi-professionnelle par équipe qui reprend le 15 novembre »
  2. À Pékin, le Français avait été déclaré battu en demi-finale, mais la décision des juges avait là aussi été contestée. Le recours déposé n’avait pas abouti. Alexis Vastine avait été médaillé de bronze. 
  3. Dans ce reportage, désormais indisponible sur Internet, Arnaud Romera interroge notamment des juges et des dirigeants de boxe pour qui il y a eu tricherie et corruption lors du combat de Vastine à Londres. 
  4. Dans le reportage d’Arnaud Romera, Furgoni avoue notamment, en caméra cachée, que « la France n’a pas eu de médaille olympique, car elle n’est pas assez riche pour avoir une influence internationale importante. » 
  5. La France avait porté réclamation pour l’élimination de deux boxeurs : Alexis Vastine et Nordine Oubaali.                                                                                                                                                                                  Source RAGEMAG                                

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