FORME - Encore un néologisme? Pas vraiment. La langue anglaise est bien plus permissive que le français. Tentons tout de même une traduction. Transpiro-boxe. Boxo-transpiration. On l'aura compris, le sweat boxing est affaire de boxe et de sueur. Boxer et transpirer, la plus modeste des cultures cinématographiques devrait vous convaincre que l'un va avec l'autre. Alors de quoi s'agit-il? D'enfiler des gants de boxe dans un sauna? D'une forme d'exercice physique masochiste dont l'idée est de perdre du poids ET de se prendre des coups? Intrigués, on nous a proposé d'essayer, on y est allé.
Coincée entre un supermarché et un troquet du XVIe arrondissement de Paris, une porte. Celle-ci ne présage ni un immeuble résidentiel, ni un local commercial et encore moins une salle de sport, mais un interphone indique que nous sommes à la bonne adresse. On sonne avant d'emprunter un sombre escalier en direction du premier étage. Là, un logo vintage décore la porte blindée. Le Sweat Boxing, c'est ici. Mais n'allez pas croire. Derrière le nom à consonance anglo-saxonne, le 142 avenue de Malakoff est le seul endroit au monde où l'on peut boxo-transpirer comme il se doit.
Pour le champion du monde et champion olympique Brahim Asloum qui en a défini les contours, le Sweat Boxing est une manière de fructifier son expérience.
L'homme est bien placé pour savoir que son sport de prédilection est physiquement exigeant et qu'il maintient en forme, d'où cette nouvelle discipline qui se pratique seul(e) ou à plusieurs, toujours avec un coach. Alors si vous voulez savoir comment Audrey Pulvar (ex-France 3, ex-France Inter, ex-Les Inrockuptibles, ex-Arnaud Montebourg) fait pour garder la forme (et pas ses formes), la réponse se trouve juste derrière cette porte blindée. Suivez le guide.
Comme dans un film
Imaginez une salle de boxe. Son ring, ses rangées de sacs de frappe, ses punching balls et quelques autres articles destinés à l'entraînement dont seul les boxeurs savent le nom. Belle hauteur sous plafond, luminosité... le complexe est flambant neuf. En guise de fond sonore, des hauts-parleur crachent du Jimi Hendrix tandis que sur le ring, deux hommes sont en train de sweat boxer.
Le premier est grand, noir et costaud. Le genre de type à qui vous donneriez les clefs de votre voiture mais aussi de votre appartement s'il se mettait à draguer votre femme en boîte. L'autre est plus petit et barbu. Légèrement bedonnant, il transpire, vraiment, beaucoup. Première déduction: le sweatboxing porte bien son nom. Deuxième déduction: il va falloir donner de soi.
Ce sera bientôt à notre tour de monter sur le ring et l'on songe à sa dernière bouteille d'eau minérale. Soixante-dix centimes d'euros qui ne vont pas tarder à partir en sueur, quel gâchis. Par souci de transparence, mais aussi pour vous permettre de juger objectivement de votre propre capacité à sweat boxer une fois la lecture de cet article achevée, il importe de dire quelques mots sur son auteur.
La dernière fois qu'il a mis les pieds dans une salle de sport, c'était en 1876. Depuis, il n'a toujours pas retrouvé sa raquette de tennis même si, les grands jours, il se laisse tenter par un squash histoire de se calmer pour la décennie à venir. Quant à faire du vélo en ville pour se rendre au Huff Post, plutôt mourir. Avec le nombre de particules fines de Diesel qui pénètrent dans nos poumons, cela reviendrait d'ailleurs au même.
Ici on dit "Audrey"
C'est donc l'heure Sweat Boxer avec l'espoir secret de comparer nos performances à celles d'Audrey Pulvar. Précisons d'emblée qu'au 142 avenue de Malakoff, on dit "Audrey", comme le fait Jeremy, notre coach attitré.
Lorsqu'il n'est pas occupé à faire transpiro-boxer Audrey, Jeremy Denis, trente ans, costaud (à qui il n'est pas non plus recommandé de présenter votre fiancée) est conseiller technique à la fédération française de boxe où l'on l'imagine volontiers travailler le perfectionnement de l'uppercut.
Par mesure de sécurité, nous le prévenons d'emblée de notre déplorable condition physique. Qu'importe, Jeremy le sent bien et nous briefe. Le principe? Nous allons faire des rounds comme dans un match. Entre chaque round, on se reposera une minute. L'entraînement se déroulera en deux temps. D'abord dans la salle, puis sur le ring. Les rounds durent cinq minutes (dans un match, c'est trois). Mais des rounds de quoi? Nous ne tarderons pas à le savoir.
Ouvrons néanmoins une parenthèse. Avant de s'inscrire à un entraînement, il est important de savoir que les coach sportifs ne sont pas des êtres humains comme les autres. La preuve à la dixième minute. Après avoir effectué plusieurs séries d'exercices au cours desquels il s'agissait de mimer des mouvements de boxe, le tout à un rythme dicté par les basses d'un morceau de dance aussi entraînante que médiocre, il était temps de passer à l'inénarrable corde à sauter.
Si l'alliance du boxeur viril avec cet accessoire de fillette ne va pas de soi, point de boxeur sans sa corde à sauter. Nous étions donc partis pour cinq minutes de corde à sauter. Cinq très longues minutes de corde à sauter. Grands dieux, est-il possible qu'il soit aussi difficile de sauter sur place? Est-il imaginable que ce jouet de cour de récré fasse autant transpirer? Mais Jeremy, lui, ne semblait pas concerné par cette réaction physiologique pourtant élémentaire.
Alors que notre reporter expurgeait de toutes ses pores, Jeremy est resté sec comme un verre de muscadet. C'était bien là la preuve, s'il en fallait une, que les coach ne sont pas humains. Pire, Jeremy affichait qu'un sourire calme et détendu alors que tout être humain normalement constitué aurait logiquement dut être en train de se payer notre tête, mais pas lui. Au contraire, Jeremy nous encourageait.
Danse contemporaine
Tout a basculé lorsque Jeremy nous a annoncé qu'il était temps de passer à la chorégraphie. Qu'est-ce que c'était que cette histoire? On s'inscrit pour un entraînement bien viril façon Mohamed Ali, pour se retrouver à faire du ballet? Qu'on se rassure, il n'en serait rien.
Jugez plutôt. Deux pas en avant accompagnés d'autant de directs du droit, suivis d'un direct du gauche, d'un nouveau direct du droit, d'un coup de coude, ponctués d'une paire d'uppercuts, du même nombre de coups de genoux, et pour éloigner l'ennemi après l'avoir salement amoché, de deux coups de pieds (un de chaque pied), avant de se dégager en pivotant deux fois vers l'arrière.
Afin de réussir cet enchaînement dix fois de suite, en tapant dans le vide su fond d'une house abominable, il nous faudra plusieurs rounds qui permettront de décomposer ces nouveaux gestes. Tout cela nous en coûtera. D'autant plus que l'apprentissage de la chorégraphie sera suivie de plusieurs exercices dont les célèbres burpees.
Ce nom ne vous dit rien? Vous savez pourtant ce que c'est. Lorsqu'un militaire en formation se fait choper par son supérieur après avoir volé un beignet à la cantine, ce dernier fait payer la troupe en lui demandant de faire des burpees, qui est une sorte de pompe puissance dix.
Heureusement, l'exercice existe en version light. Vendu pour la version light, jusqu'à ce qu'après avoir posé la question, on nous informe que la version light faut bien rigoler Audrey. Bref, Audrey 1 - Le HuffPost 0.
Rigoler, il y avait de quoi. Exsangue au terme d'une demi-heure de préparation, nous avons réclamé l'ouverture de la fenêtre, exprimant notre besoin en eau et en oxygène. "T'es un peu blanc," s'inquiète Jeremy. Le pauvre bougre n'a pas compris que c'est du cinéma, une stratégie comme une autre pour accélérer la cadence et passer à l'étape suivante: enfiler les gants.
L'heure du ring
Ne pas sous-estimer ce moment. Si l'on pense qu'on est cuit, rien de tel pour se remettre l'aplomb. Vous avez la haine? C'est le moment de le montrer. Enfilez vos gants de boxe et chorégraphiez donc ce sac de frappe, faites-lui savoir de quel bois vous vous chauffez, dix, vingt, trente fois de suite. Ce sera votre dernière mise en bouche avant l'heure du ring.
Pour Jeremy, c'est le moment d'enfiler les pâtes d'ours, ces gants destinés à recevoir les coups lors de l'entraînement. L'esprit vacillant entre un concours de t-shirt mouillé et un entraînement militaire, nous nous glissons entre les cordes pour monter sur le ring.
Vous vous souvenez de la chorégraphie? Il est temps de mettre tout cela en application, Jeremy fera office de punching ball. Deux directs du droit sur Jeremy, suivi d'un du gauche etc. Soudain, l'épiphanie. Nous saisissons alors, enfin, tout l'intérêt du Sweat Boxing. Explications.
Pour Sweat Boxer, il faut payer, et pas seulement de sa personne. Mais verser une part non négligeable de son salaire à un coach pour qu'il vous fasse souffrir, il faut avouer qu'il y a du masochisme là-dedans (et peut-être un peu de sadisme de la part de certains coach). C'est justement là que le Sweat Boxing innove.
Cette nouvelle pratique est peut-être l'une des seules formes d'exercice physique où il est non seulement permis mais également recommandé de frapper son coach. Frapper son coach, ça n'est pas rien. C'est une manière de mettre fin, une bonne fois pour toute, à la condescendance odieuse du sportif sur l'employé de bureau, du sec sur l'humide, du type bien bâti sur celui qui se bat pour que l'inverse ne se voit pas.
Face à votre coach, donnez tout ce que vous avez et soyez fier car, qui sait, en fin de séance, vous pourriez peut-être croiser Audrey en sortant de la douche.
Pour finir
Retour vers le futur. Nous sommes à J+1 et c'est le moment de faire le bilan des courbatures. Rien à signaler, si ce n'est un état d'épuisement lamentable. Excepté quelques exercices de gainage, Jeremy ne nous a fait faire que pas ou peu d'étirements. C'est qu'on ne tire pas beaucoup sur les muscles au Sweat Boxing. Le coeur, lui, en prend un coup. À éviter si l'on vient de subir un triple pontage.
Reste la douloureuse qui porte si bien son nom. Pour Sweat Boxer, il faut casquer.100 euros le cours particulier, tarif dégressif en fonction du nombre de séances. Cours collectifs à 35 euros l'unité. Enfants admis (les pauvres).
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