l y a cinq ans, Hadillah Mohoumadi a pensé raccrocher les gants. Aujourd’hui, l’actuel champion de France, vainqueur samedi dernier en Pologne, a trouvé son équilibre entre son sport et une vie professionnelle accomplie. « Tant que j’y prends plaisir… »
Il a le regard froid, impassible. Un petit sourire orne le coin de ses lèvres. Les yeux dans les yeux, à quelques centimètres, Hadillah Mohoumadi toise son adversaire. Pas un mot, pas un geste d’intimidation, à mille lieues des clichés de l’exercice. « Je ne pars jamais au combat dans l’esprit de nuire ou de détruire. J’y vais pour me faire plaisir avant tout. »
Quand on l’appelle pour boxer en Pologne, une semaine avant le combat, Hadillah Mohoumadi n’hésite pas longtemps. « J’étais préparé, j’avais besoin de boxer. » Qu’importe si l’adversaire, Pawel Glazewski, vedette locale, évolue dans une catégorie supérieure. « Pour moi, il était prenable. Il a deux bras, deux jambes, comme moi. »
A 33 ans, Hadillah Mohoumadi n’en est pas à son premier voyage. Les trois défaites inscrites à son palmarès ont toutes été concédées à l’étranger. Au Monténégro, il y a un an, le français a subi un « hold-up » face à Nikola Sjeklocla. Il en parle avec un détachement rare. Pas vraiment le coeur à se plaindre. « Je vais dire un truc un peu dégueulasse, mais c’est la boxe ! Quand on va à l’extérieur, sur des gros événements, on est quasiment seul… Je ne vais pas dire que je comprends car on ne peut pas comprendre. On l’accepte plus ou moins. »
Passé pro sur le tard, à 28 ans, après dix ans d’amateurisme sans grands résultats notoires, Mohoumadi sait qu’une carrière passera par des prises de risques. De retour du Monténégro, on lui propose d’affronter James DeGale, champion olympique à Pékin, pour le titre européen. « On m’a prévenu trois semaines avant ! Mon coach n’était pas forcément partant. Moi, je voulais le faire. »
Faire-valoir désigné, Hadillah Mohoumadi va vendre chèrement sa peau. « J’ai réussi à le faire douter, il ne s’y attendait pas. Il s’est dit : « le français, il va venir, il va faire trois rounds avec moi et puis après on le sort … » Le scénario sera tout autre : pendant douze reprises, Mohoumadi repousse DeGale dans les cordes. Le britannique en ressort le visage marqué.
A la cloche finale, comble du ridicule, un des juges ne lui accordera qu’un seul et unique round. Dans sa voix, pourtant, aucune amertume. « Ça a été le meilleur combat que j’ai pu faire, là où j’ai dû donner le plus de moi-même. »
Avant son passage en pro, il y a cinq ans, Mohoumadi avait pensé à dire stop. « J’étais lassé. J’ai fait plusieurs fois les championnats d’Ile-de-France, les France… Sans grand retour. Entre ma vie perso, professionnelle, (il est directeur d’un centre de loisirs), je me suis dit : « ça m’apportera pas grand-chose de plus »
Et puis, une rencontre avec Antoine Farrugia, son entraîneur. « Il a su me donner de l’équilibre et de l’amour. J’avais un bien immobilier dans le 77. Je l’ai vendu, j’ai demandé une mutation, j’ai tout quitté pour le suivre dans les Yvelines. Ça été 4 ans sans relâche. Pas de vacances, quasiment tous les jours, on suit son rythme. »
Il n’y a rien de flamboyant chez Hadillah Mohoumadi. Ce n’est pas lui faire insulte de le dire. De la puissance, beaucoup de travail, du dévouement, les mêmes vertus qui ont porté un boxeur comme Jean-Marc Mormeck au sommet. Mais c’était une autre époque.
La semaine dernière, en Pologne, Hadillah Mohoumadi n’a rien laissé dans les mains des juges. Après sept rounds de forcing, Pawel Glazewski, ouvert à l’arcade, cédait sur une énième droite sous les sifflets du public.
Dans l’anonymat d’une discipline tombée en désuétude, ils sont quelques-uns à continuer le combat. En silence, sans illusions mais avec passion. « Je ne vis pas à travers la boxe, j’ai une vie à côté, un boulot qui me plait. Boxer en pro, c’est un aboutissement pour moi. J’aime cette adrénaline avant le combat, sentir la pression… Tant que j’aurai ce plaisir, je continuerai. »
Et peut-être qu’au bout il n’y aura rien. Rien, si ce n’est la satisfaction d’être allé au bout de son sport. Pour le plaisir.
Jean-Charles Barès (@jcbares)
Photos : Olivier Prieur
"Et peut-être qu'au bout il n'y aura rien, si ce n'est la satisfaction d'être allé au bout de son sport".
RépondreSupprimerCela devrait être écrit en grand dans les salles de boxe!!
Qui réalise les peintures qui sont en bas à droite sur le site ? merci.
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